CDEN 7 juin “mixité sociale” : déclaration et questions posées à nouveau

CDEN 7 juin “mixité sociale” : déclaration et questions posées à nouveau

Monsieur le Président du Conseil départemental, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, Mesdames et Messieurs les membres du CDEN,

Pour FO, si la mixité peut être un élément permettant d’améliorer le fonctionnement des collèges, elle ne saurait se suffire à elle-même.

FO réaffirme une de ses valeurs fondatrices à savoir la défense des droits et statuts des salariés et chômeurs.

Nous rappelons que le gouvernement qui est à origine de l’étude « mixité » est également responsable :

– de la réforme du Code du travail qui fragilise les salariés et chômeurs ;
– de la mise en place de la réforme du collège, rejetée par l’immense majorité des collègues avec leurs organisations syndicales, qui dégrade les conditions de travail des enseignants du second degré, introduit la logique territoriale au collège, remet en cause les programmes nationaux et l’égalité des élèves face à l’instruction, égalité particulièrement nécessaire pour les publics les plus en difficulté.

Comme nous l’avons toujours dit, nous sommes ouverts aux discussions sur la construction de nouveaux collèges et la mixité des établissements. Mais vos propositions organisent la fermeture du collège Badiou puis celle de Bellefontaine ainsi que de leur SEGPA et la répartition des élèves par transport en bus dans d’autres collèges.

Pour FO, si on veut remplacer un collège par un autre, on commence par construire le nouveau avant de détruire l’ancien ! Vous évoquez la possibilité de construire dans le futur (…) un collège à St-Simon.

Mais, si cette construction se réalise un jour, rien n’assure que les familles du quartier ne scolariseront pas leurs enfants dans le privé. Aussi, nous nous interrogeons les conséquences de la fermeture de 2 collèges REP+ aux effectifs par classe réduits et le risque très probable de fabriquer un énorme collège scolarisant les mêmes élèves, mais dans des classes à 30. Ce projet ne règle en rien cette question. Au contraire, avec cette mesure forcée, FO estime que la possibilité d’un cran supplémentaire dans la fuite des élèves du public vers le privé est réelle.

FO dénonce la précipitation qui prévaut à l’élaboration et à la mise en œuvre de ce projet. Une telle précipitation, au regard des enjeux, n’augure rien de positif sur l’avenir des jeunes élèves et des personnels chargés d’assurer leurs apprentissages.

Nous rappelons aussi que certaines familles demandent, en toute légitimité, la scolarisation de leurs enfants à Badiou, leur collège de secteur. Elles refusent le transfert dans un autre collège. Nous demandons que ces choix soient respectés.

Concernant le fond du dossier, qu’en est-il de la possibilité de réaliser une réelle mixité sociale. Les études internationales le démontrent : lorsque le libre choix des parents se combine à une autonomie plus grande des écoles, en matière de « tri » à l’entrée des élèves où en matière « d’offre scolaire », cela conduit à une ségrégation scolaire accrue. Le libre marché scolaire joue un rôle prépondérant dans les mécanismes responsables des inégalités sociales.

Deux pays nordiques, la Suède et la Finlande, pourtant réputés pour le haut niveau d’équité de leurs systèmes éducatifs, ont introduit des politiques de libre marché scolaire au cours des dernières décennies et différents auteurs soulignent que cela a conduit à une augmentation de la ségrégation et des inégalités.

L’OCDE a noté qu’entre 2000 et 2009, ces deux pays avaient connu un fort recul en matière d’équité scolaire, au contraire de la Norvège qui a conservé un système contraignant d’affectation des élèves aux écoles.

La France est un pays où le libre marché scolaire (choix des familles et tri à l’entrée) s’organise par le truchement de l’école privée. De ce fait, les enfants se retrouvent assurément dans des écoles « ghettos », qu’ils soient de riches ou de pauvres ! Et c’est la loi qui favorise les collèges privés, au dépend du public, et développe les écoles de « l’entre-soi» !

Ainsi à Toulouse, vos diagrammes circulaires montrent que les établissements privés scolarisent 68% de Professions et Catégories Socioprofessionnelles (PCS) favorisées contre 11% de PCS défavorisées alors que ces chiffres sont respectivement de 37% de PCS favorisés et 40% de PCS défavorisées pour le public. Dans la liste des établissements qui scolarisent le plus de PCS favorisées, les 7 premiers appartiennent au privé. Ils sont classés largement devant les collèges publics Fermat et Michelet en matière de scolarisation des PCS favorisés.

Ce siphonnage considérable des établissements publics trouve sa source dans l’iniquité de la loi qui régit le fonctionnement et le financement de l’enseignement privé.

FO rappelle que la concurrence entre l’école privée et l’école publique est injuste et inégalitaire : les établissements privés sont subventionnés par milliards sur fonds publics, mais ils sont dispensés d’appliquer les règles du public.

Ils choisissent les élèves et les familles, se dispensent d’appliquer les réformes (par ailleurs majoritairement rejetées par la population et les personnels enseignants), sont alimentés par des financements privés. Cette concurrence n’est ni libre, ni non faussée !

Le Conseil départemental proposerait de « mettre en place un système financier incitatif qui valorise les collèges publics et privés qui contribuent effectivement à la mixité ».

Nous tenons à faire remarquer :

Premièrement, la loi interdit une discrimination par les Professions et Catégories Socioprofessionnelles (PCS) et vous le savez parfaitement.

Deuxièmement, cette mesure, même si elle était réalisable, reste un écran de fumée. Les établissements privés choisissant leurs élèves, ils pratiqueront ainsi « la mixité » à bon compte… D’autre part, les établissements privés ayant de multiples sources de financements en sus de ceux du Conseil départemental, cette mesure pourrait même se retourner contre certains établissements publics.

Si nous partageons le désir de favoriser la mixité sociale, pour autant FO réaffirme que les lois anti-laïques y font entrave. Ceux qui prétendent réaliser la mixité, à Toulouse ou ailleurs, tout en refusant de changer la législation actuelle des lois anti-laïques sont soit aveuglés soit veulent nous faire prendre des vessies pour de lanternes. FO ne sera pas de ceux-là ! Le pragmatisme nous conduit à affirmer qu’en l’état actuel de la législation, la mixité sociale correspondant à la moyenne toulousaine est irréalisable.

Pour FO, le gouvernement doit rétablir le principe républicain de séparation de l’Église et de l’Etat et restituer les fonds publics à l’école publique. Dans l’attente de la réalisation d’une société moins inégalitaire, un tel arbitrage permettrait de revenir rapidement à la mixité sociale indispensable dans les établissements scolaires.

En conclusion, lors du dernier CDEN, FO a voté contre votre projet. Certaines organisations syndicales ont décidé de s’abstenir compte tenu des inquiétudes et des interrogations. Nous ne pouvons que constater à ce jour que les inquiétudes ne sont pas levées. Dans ces conditions, FO confirme son orientation pour l’abandon de ce projet.

Pour finir, Monsieur le Président du Conseil départemental, Monsieur l’Inspecteur d’Académie, lors du dernier CDEN, nous avions posés dix questions soit qui sont restées sans réponse, soit pour lesquelles nous demandons des précisions : cinq en direction du Conseil départemental, trois en direction de M. l’Inspecteur d’académie et une en direction des deux coprésidences. Nous les reposerons donc en séance.

Questions posées à nouveau au CDEN du 7 juin

Questions au Conseil départemental :

– Selon le Conseil départemental, il resterait 3000 places vacantes dans les collèges de Toulouse. Sur le terrain, nous ne portons pas la même appréciation. Nous notons aussi le risque de stigmatisation des élèves concernés.

Toulouse a gagné 8000 habitants cette année. Cette augmentation se poursuit. Peut-on avoir la liste et le type des collèges qui disposeraient de places et de combien ? Plus généralement, pouvez-vous nous fournir la capacité d’accueil réglementaire de chaque collège et le nombre d’élèves accueillis, public et privé y compris ? Nous avions déjà posé cette question en janvier, vous deviez nous transmettre la réponse, nous ne l’avons toujours pas.

– Sur le transfert des élèves vers un autre collège : A quelle heure le temps de transport estimé à “pas plus de 35 min” a-t-il été calculé? Prend-il en compte les bouchons prévisibles le matin et l’après-midi aux heures de pointe ?

– Sur le lien parents/enseignants : les parents se retrouveront éloignés du collège de leur enfant. Vous nous avez répondu en janvier que vous envisagiez un transport collectif pour que soit assuré le lien parents/enseignants. Pouvez-vous expliciter ce dispositif ?

– Où en est-on dans le projet de financement par « bonus-malus » des établissements selon leur respect de la mixité ou pas ?

– Vous nous aviez annoncé en novembre dernier que l’enseignement privé catholique s’était engagé à faire 14 propositions en faveur de la mixité scolaire ? Pouvons-nous enfin les connaître aujourd’hui ?

Questions à M. l’Inspecteur d’Académie :

– Quelles sont les garanties statutaires pour les personnels touchés par les fermetures et qu’allez-vous faire pour les personnels qui veulent continuer de travailler en REP+ ?

– Au collège Michelet, envisagez-vous toujours la fermeture de l’annexe, de la section internationale et le déplacement des CHAM ?

– Quels dispositifs et moyens statutaires sont prévus pour accompagner les élèves dans leur nouveau collège d’accueil qui ne sera pas REP+ ? Le collège des Chalets accueille déjà une ULIS qui dépasse le quota d’élèves imposé, qui accaparent complètement la CPE et une partie de la vie scolaire. Quels moyens supplémentaires seront alloués aux collèges d’accueil en termes d’AED, CPE, ULIS, SEGPA ?

Question à M. le Président du Conseil départemental et à M. l’Inspecteur d’académie :

– Le Conseil départemental affirme dans son rapport que près de 50% des élèves ne fréquentent pas le collège de secteur. L’inspection académique précise qu’elle accorde pourtant un nombre de dérogations extrêmement marginal. Les places vacantes en collège public se situent principalement dans les collèges dits « défavorisés », parfois « intermédiaires ». Cet état de fait ne permet pas de libérer suffisamment de places pour enclencher significativement la « stratégie d’évitement ».

Selon la lecture que nous faisons des graphiques circulaires, ce sont les élèves partant vers le privé qui libèrent les places des collèges dits « favorisés et intermédiaires » et permettent d’enclencher la « stratégie d’évitement ». Pouvez-vous confirmer notre analyse ?

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